Une des motivations qui préside à la
création d'une série télévisée est l'appât
du gain. Les directeurs d'antenne attendent des programmes qui leurs assurent
une forte audience donc de forts gains publicitaires. Mais comment savoir à
l'avance si le programme que l'on propose a des chances de plaire au public.
Une des solutions pour éviter l'incertitude liée à un programme
totalement inovant consiste a adapter pour le petit écran des histoires
qui ont eut du succès sur d'autres supports (adaptation de livres, de
BD, de films). Dans le cas de Parker Lewis il s'agit de l'adaptation
du carton cinéma de l'été 1986 : La folle journée
de Ferris Bueller (Ferris
Bueller's day off). Le film de John Hughes contait l'histoire d'un lycéen
cool (interprété par le teenage acteur à la mode : Matthew
Broderick (ci-contre) qui venait de triompher dans War Games et d'avoir
la chance de tourner aux cotés de Michelle Pfeiffer dans Ladyhawke)
qui décide de sécher une journée de cour avec son meilleur
ami et sa petite amie. Mais le proviseur ne l'entend pas de cette oreille. Il
s'ensuit donc une partie ce "cache-cache" entre Ferris et les "autorités".
Mais Ferris Bueller était difficilement adaptable tel quel comme
le démontra la première adaptation du film en série en
1990. Il ne fut tourné que 13 épisodes. On y trouvait pourtant
Jennifer Aniston qui fit plus tard les beaux jours de Friends (son nez
était encore d'origine, ceci explique peut-être le non succés
de cette première adaptation). En effet le format choisi : les 23 minutes
d'une Sitcom nécessitait des modifications. Le
film ne brillait pas l'humour par splastick et les gags énormes. C'était
plus un film qui reposait plus sur l'ambiance et l'humour léger. Dans
une sitcom la règle est d'un gag toutes les trois secondes. Il convenait
donc d'apporter des modifications à Ferris. L'obligation de faire
tomber les gags à la chaîne oblige à recourir aux gags visuels,
au non-sens, aux gags verbaux, bref à faire feu de tout bois. Il fallait
donc changer sinon le fond du moins la forme qui avait prévalue dans
le film.
Qui s'est alors souvenu de la phrase de Tex Avery
(ci-contre) "Nous avons découvert très tôt que si
on faisait quelque chose avec un personnage humain ou animal, qui ne pouvait
pas arriver dans la vie, on avait un éclat de rire garanti.".
L'histoire ne le dit pas (elle ne dit même pas si quelqu'un s'est souvenu
de cette phrase), mais les créateurs de Parker Lewis avaient trouvésla
solution pour faire passer Ferris Bueller du cinéma à une
sitcom. L'équipe étant constituée de jeunes gens enthousiastes
travaillants dans la mouvance créative spielbergienne, les difficultés
qu'il pouvait y avoir à transposer en réel l'univers délirant
de Tex Avery furent sans doutes vécues comme des défis. Mais ces
jeunes gens avaient un atout avec eux : Les effets spéciaux. Non pas
ceux nécessitants
des ordinateurs sophistiqués que l'on peut voir aujourd'hui dans toute
production un peu fantastique, mais les bidouillage à la Roger Corman
ou à la Star Wars( la poursuite en motospeeder du Jedi résulte
d'une simple balade en forêt filmée de manière très
lente par une caméra).
Bien avant Ally McBeal ils décidèrent donc de jouer avec l'image
et la musique. Ils le firent certes de manière artisanale mais le résultat
reste encore aujourd'hui très efficace. Cela demandait de la réflexion
pour trouver le truc qui permettrait de
faire avancer Jerry sur un nuage, de faire exploser la porte de Musso. Mais
avec un bon travail de montage et une utilisation appropriée d'effets
sonores on obtient des trucages tout à fait acceptables. Ainsi les cadrages
ci-contres, issus d'images arrêtées, donnent facilement une idée
de ce que voulaient faire passer les auteurs. Kubiac va démolir le personne
qui se tient à la place de la caméra. Les garçons viennent
d'être repoussé par l'énergie que dégage Musso en
sortant de son bureau.
L'autre particularité des auteurs était leur très grande
cinéphilie. Ainsi n'hésitèrent-ils jamais à faire
références à des films particuliers ou à des genres.
Quand pour éviter Musso Parker et Mikey demandent à Jerry de sortir
le périscope de son pardessus high-tech, on passe tout de suite dans
un film de sous marin par le bruitage, la manière de filmer quelqu'un
tenant un périscope ou l'angoisse face à la prochaine interception.
Lles auteurs dévident logiquement leurs références : Jerry
lance des
contres-mesures qui se révèlent être deux chippendals sortant
des casiers. Il faut au moins cela pour intercepter une Musso lancée
à vive allure!
Étant des héros de dessins-animés Parker et ses amis perdent
un peu d'humanité pour nous être présenté dans un
premier temps comme des archétypes : L'intello timide, le mec cool qui
s'en sort toujours, le rebelle, la grosse brute, le léche-botte sournois.
Au fur et à mesure des épisoides
les personnages s'étofferont et gagneront en humanité ce qu'ils
perdront de toonesque.
Saison 1 : Au lycée Santo Domingo dont l'emblème est le flamand rose les élèves vivent dans un monde qui semble obéir aux règles du dessin animé. Ainsi l'intello de service est tellement génial qu'il possède un pardessus dont on peut tirer absolument tout comme avec les sacs des toons. Le mec cool ne se fait jamais prendre par la principale car il possède un répertoire d'excuses qui pour surréalistes qu'elles puissent être réussissent a convaincre Musso. La première saison est clairement délirante. Les histoires sont des prétextes à accumuler le plus de gags visuels. On baigne dans un univers où tout peut arriver comme dans les dessins-animés de Tex Avery. Mais grace à leur indéfectible amitié Parker, Mikey et Jerry réussissent à transcender les dessins animés.
Saison
2 : La saison deux s'éloigne tout doucement du ton débridé
des débuts. Les épisodes se font plus thématiques. De plus
une certaine continuité se met en place dans le traitement des personnages.
Parker a une petite amie régulière, Jerry & Shelly nous la
joue Harry & Sally et Mikey s'investit de plus en plus à l'Atlas
Diner en tant que serveur. L'Atlas est d'ailleurs de plus en plus présent
dans les épisodes. Avant nous avions 3 zigotos qui faisaient les 400
coups. Nous avons désormais 3 amis qui vivent avec humour les mille et
uns tracas de la vie de lycéen. Kubiac cesse peut à peut d'être
une sorte d'ogre pour se mettre à parler, avoir une petite amie et surtout
débarrasser Santo Domingo de Don Yemano.
Saison 3 : Révolution dans la série.
Le titre change. Il passe de Parker Lewis ne perd jamais à Parker
Lewis. C'est une sorte de révolution copernicienne pour la série.
En effet le qualificatif "ne perd jamais" renvoyait au coté
toonesque. Comme un toon ne meurt jamais même après des chutes
vertigineuses, après l'explosion de dynamites à bout portant,
Parker Lewis devait toujours s'en sortir. Le changement de titre signifie donc
une réorientation de la série vers un ton plus doux-amer et moins
comique qu'avant. D'ailleurs l'entame de cette troisième saison se fait
en plein été (en juillet) au lieu d'attendre la rentrée.
La série s'intéressant à la vie d'adolescents nous les
retrouvons donc durant leurs vacances en train de glander dans un parc. Dès
le premier épisode Parker décide de renoncer à ses chemise
et à sa coiffure volumineuse. Le pardessus de Jerry perd lui aussi toutes
ses options. Durant 6 épisodes nous allons rester au parc où si
rien ne se passe on s'habitue assez facilement au nouveau ton de la série
grace à un décors différent. La transition n'est donc trop
brutale.
Malgré ces changements la série n'en abandonne pas l'humour. Mais
celui-ci est plus "intellectuel" et moins toonesque. Qui aurait pu
au vu de la première saison penser qu'on pouvait rendre hommage au peintre
Edward Hopper. Mais il semblerait que le public n'ait pas grandit aussi vite
que les personnages. Cette troisième saison sera donc la dernière.
Ce n'est pas la plus innovante mais elle restera comme la plus nostalgique.
Comme si les créateurs se remémoraient leur dernière
année de lycée. La dernière année d'innocence avant
le grand saut dans la vie active ou à la fac.
Parker Lewis restera comme un météor dans
le paysage télévisuel des années 90. Clyde Philipps et
Lon Diamond réussirent leur pari fou de faire des toons de chaire et
d'os. Peu copié faute de talents (même si C'est pas ma faute
- Maybe it's me s'en approche un peu), Parker Lewis est sans doute
l'un des inspirateurs d'Ally McBeal qui elle aussi met en scène,
mais avec des moyens technologiques supérieurs, des personnages et des
situations quelque peu toonesque. Les redifusions de Parker Lewis tiennent
encore le coup dix ans après alors que nombres de sitcoms de cette époque
ne sont quasiment plus regardables. Comme les dessins animés de Tex Avery
Parker Lewis a réussit a développer un humour intemporel.
Ce n'est pas mal pour une vulgaire série télévisée.
Mais ce qui reste par dessus tout dans le souvenir des gens qui ont vu Parker
Lewisc'est la place très importante qui est faite à l'amitié.
Parker et ses acolytes restent donc dans nos mémoires comme nos autres
amis des années lycée.