Critique

Ou pourquoi sans Ed McBain, Alerte à Malibu ("Baywatch") n'aurait jamais vu le jour

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Oui, je sais ça surprend. C’est le premier effet Internet (on y trouve vraiment n’importe quoi). Heureusement vient ensuite le deuxième effet. On finit par lire le texte et on se rend compte que le rédacteur a utilisé un vieux truc de pub. On attire le chaland avec une phrase accrocheuse (d’autan plus qu’elle peut laisser espérer une photo de Pamela Anderson nue) qui n’a qu’un rapport lointain avec le sujet. Néanmoins l’affirmation du sous-titre n’est pas totalement fausse. Je vais donc m’employer à la démontrer ce qui va donner un axe, une progression à cette critique.

J'aurais certes pu mettre une photo de Pamela Anderson pour illustrer cet article. Mais Kellie est tellement craquante en Lucy Knight dans "Urgence" que j'ai choisi cette photo ou elle est avec Carter.           Plutôt que de citer d’Alerte à Malibu (Baywatch), il aurait été plus juste de citer New-York Police Blues, Urgence (E. R.), A la maison blanche(West Wings), bref de toutes ces séries télévisées de qualité se déroulants de manière prépondérante dans un milieu de travail spécifique et qui s’attachent presque plus à cette activité plutôt qu’à la vie privée des protagonistes tout en intégrant la structure modulaire du récit dans leur narration. Bref qui sont écrites comme le sont les livres composant la saga du 87ème district (87th Precinct en v. o.) qui reste l’œuvre la plus célèbre d’Ed McBain.

            En effet la structure modulaire des romans du 87ème district est l’équivalent des arcs des séries télévisées. Or ces derniers sont relativement nouveaux à la télévision. Pendant très longtemps prédominait des séries où le héros non content d’être seul, bouclait les problèmes qui lui étaient posés en 1 épisode.

            Mais en 1980 arriva une série qui allait changer tout ça : Hill Street Blues (Capitaine Furillo chez nous sur la cinquième berlusconiène d’alors et précédemment pour quelques happy few sur canal+). Contrairement à ce que suggère le titre français, il n’y a pas de héros. On s’intéresse à tout un commissariat (cf 87ème District), on les voit surtout travailler (cf 87ème District), plusieurs histoires/enquêtes se déroulent à la fois (cf 87ème District), leur vie privée n’est pas centrale dans le récit (cf 87ème District), ils travaillent dans une ville non-définie (cf 87ème District qui a pour cadre la ville imaginaire d’Isola), certaines histoires/enquêtes dénommées alors arcs se déroulent sur plusieurs épisodes (cf 87ème District).

 Deux acteurs d'Hill Street Blues           Et pourtant Steven Boccho, le créateur de la série (on lui doit aussi Brooklyn South et New-York Police Blues), n’a jamais voulu reconnaître la filiation ce qui n’a pas manqué d’énerver Ed McBain. C’est dommage et c’est sans doute dû à une peur d’être assimilé à un plagieur. Mais c’est oublier que tout le monde s’inspire toujours de quelque chose. Le talent est alors d’en faire quelque chose d’autre. Les romans voulant coller au plus près des procédures policières existaient avant la création du 87ème District. Le talent d’Ed McBain est de les avoir surpasser en créant un héros collectif sans négliger la personnalité des différents protagonistes et en les faisant évoluer dans une ville imaginaire ce qui leur a donné un côté intemporel.

            Il n’en reste pas moins vrai qu’Hill Street Blues a inspiré toute la génération des producteurs des années 90 en leur permettant de livrer des séries plus adultes, plus complexes et plus intéressantes.

Publicité pour la série "Hill Street Blues". Dans le deuxième carré à gauche on peut reconnaitre Dennis Franz le futur Andy Sipowicz de "NYPD Blue"            Paradoxalement son influence sur la littérature policière est moins flagrante. Sans doute parce qu’à l’instar d’un Conan Doyle sa création est tellement originale et puissante qu’a reprendre ses particularités, tout auteur ne pourrait passer que comme un pâle imitateur. Le seul qui puisse s’en rapprocher est sans doute Michael Connelly (ce qu’il reconnaît lui-même) mais seulement dans sa propension à essayer d’être le plus proche de la réalité dans les détails de procédure. Pour le reste Michael Connelly préfère les héros solitaires.

            Pour ce qui est du style, celui d’Ed McBain ne vaut quand même pas celui d’Evan Hunter. Sous cet autre pseudonyme, il s’attaque à des romans qui font une part plus grande à la psychologie des personnages. Et ce faisant il ne porte pas de jugements. Pas de préjugés. Au contraire il décrit de la manière la plus réaliste possible les faits et tente toujours de faire ressortir ce qu’est la réalité de la situation pour son personnage même si ce dernier ne peut en avoir qu’une vision déformée. Enfin ses héros sont faillibles, ils peuvent aller vers le bien ou le mal car ils sont avant tout humains. 

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